Urgence et conséquences

Gestalt thérapeute et praticien EMDR, je suis attentif à mes ressentis corporels et émotionnels, partie intégrante de mon travail.
J’accompagne sur le chemin de la reconnexion à soi et aux autres.
Dans une ancienne vie, j’étais sapeur-pompier professionnel. J’ai aimé ce métier, il m’a nourri.
J’ai pourtant un regret: en début de carrière, j’aurais aimé lire un texte comme celui que je vous partage ci dessous.
Peut être m’aurait il permis d’être plus attentif, d’éveiller ma conscience sur les risques psychologiques encourus en choisissant cette voie.

Interventions, urgence et psycho-traumatismes.

Que ce soit à travers mon expérience clinique ou personnelle, je constate que nombreux sont les intervenants des services d’urgence (pompiers, policiers, gendarmes, SAMU…) qui à force d’évoluer dans un environnement de violence et de mort sont sujets aux traumatismes et à leurs conséquences.

Rien de surprenant à ce que cela apparaisse dans  les critères diagnostiques du DSM-5 (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, cinquième édition, 2015) au chapitre du trouble de stress aigue (308.3) et du trouble de stress post-traumatique (309.81).
Pour ce dernier,  il est indiqué en critère A : « Avoir été confronté à la mort (…) » puis en critère 4: « en étant exposé de manière répétée ou extrême à des détails horribles d’un événement traumatisant (p. ex., premiers intervenants ramassant des restes humains, agents de police qui entendent de manière répétée des détails concernant des violences sexuelles faites à des enfants) .

Sans aller jusqu’au trouble de stress post-traumatique, il me parait évident que la formation fournie, basée sur des conditionnements, des gestes appris et répétés régulièrement lors des manœuvres, permettent d’intervenir dans une situation de stress intense. Mais n’est ce pas également une technique pour être efficace lors d’un état dissociatif ?  J’ai souvenir d’interventions ou je m’exécutais sans aucune sensation de présence, seulement l’impression de ralentir, d’être dans un brouillard. Ceci accentué par la fatigue cumulée durant les gardes et le travail de nuit.

Il y a de nombreuses interventions dont je n’ai plus de souvenir clair. Les ai-je réellement vécues, ou était-ce des cauchemars ?

L’état dissociatif est définit comme « une perturbation et/ou une discontinuité dans l’intégration normale de la conscience, de la mémoire, de l’identité, des émotions, de la perception, de la représentation du corps, du contrôle moteur et du comportement », on parle également de comportements « accompagnés d’une perte de la continuité de l’expérience subjective ».

Aurais je pu intervenir si j’avais été pleinement sensible à l’impact émotionnel, ou physique (visuel, olfactif…) ? Je ne le pense pas. C’est d’ailleurs ce qui m’a conduit à ma reconversion professionnelle.

A force de dissociation, plus ou moins rapidement, apparaissent les symptômes : certains nomment une impression de vide intérieur. Cette absence de sensation peut entrainer  une recherche de stimulation, conduisant parfois à l’addiction (sport, sexe, alcool…). L’effet est pernicieux car pour se sentir plus vivant, la recherche de toujours plus d’intensité peut conduire à un nouvel état dissociatif…

Coupé de soi même, coupé du monde ?

On peut se sentir derrière une vitre (pour reprendre les termes utilisés dans le podcast cité), en se coupant de parties de soi, on se coupe du monde. Il est difficile d’échanger dans un environnement ou les valeurs sont la force et le courage. La sensibilité  y est souvent associée à la fragilité.

De nombreux intervenants d’urgence sont soumis aux troubles anxieux ou de stress post-traumatique. Les symptômes sont connus et nombreux : irritabilité et accès de colère, trouble du sommeil, comportement irréfléchi ou autodestructeur, hypervigilance…
Il serait également intéressant de voir le lien avec les dépressions, les suicides des agents ou les violences dans leur système familial.

Je ne veux pas faire de généralité et espère que ce post ne sonne pas comme une plainte. Chacun sera en mesure de sentir si ce que j’écris lui parait pertinent et en lien avec son vécu.
Vos retours sont bienvenus.

Références :

Le trouble de stress post traumatique(DSM IV) sur le site de www.memoiretraumatique.org

Les troubles dissociatifs sur le site du MSD.

Podcast:
Inconscient et trauma : guérir nos âmes blessées. Radiofrance